mardi 31 mai 2011

Sufjan Stevens - Come On Feel The Illinoise ou "Comment rendre l'Etat de l'Illinois passionant"


Dans le monde dans lequel nous vivons, les hommes pressés et des assistés dont le cerveau a la vivacité d’une méduse nous entourent et il est difficile d’y échapper aujourd’hui. Il faut croire que les multinationales de l’empire ont pour unique stratégie de nous avilir et  de nous asservir en nous ramollissant le cervelet à l’aide de soupes tièdes sans goût ni odeur… Enfin, je suis un peu sévère car pour être honnête, ils cachent  l’arrière goût de pisse de leur soupe avec de moins en moins de soins. Il n’y a qu’à regarder le menu du jour pour comprendre qu’on nous prend définitivement pour des daubes au palais atrophié : de la brandade de Gaga suivie de près par du foie de Britney, bref, autant vous dire que selon moi, la malbouffe ne s’applique pas seulement à de la nourriture physique

Aujourd’hui j’ai donc choisi de vous parler d’une des nourritures intellectuelles et musicales les plus fines de cette décennie. J’avais déjà mentionné Sufjan Stevens à plusieurs reprises lors de mes élucubrations et il était grand temps que je m’y attarde proprement. Pour ce faire, je n’ai nul autre choix que d’aller à contre-courant de notre culture à grande vitesse et de prendre mon temps comme cela a été fait pour concevoir un tel bijou. C’est en effet ce qu’est ce Come on Feel The Illinoise. Il faut d’abord comprendre que cet album est un album dit « concept » puisqu’il contient des chansons se rapportant toutes au même thème. Ici, il est assez clair que l’on va aborder l’Etat de l’Illinois, à travers des chansons parlant de villes, personnes ou histoires prenant place dans cet Etat nord américain.

La seconde chose dont il faut être conscient ici, c’est que Stevens s’est enfermé pendant de longs mois et a affiné son œuvre quasiment seul. Il joue de presque tous les instruments et a produit l’entièreté de l’album. Enfin, il faut savoir que ce que l’on s’apprête à écouter ne ressemble à rien de connu et qu’il s’agit de quelqu’un qui a compris que, même à notre époque, pour avancer, il faut prendre son temps…

lundi 23 mai 2011

John Coltrane - Blue Train ou "Comment une vulgaire pierre se transforme en joyau"


Après avoir roulé sa bosse avec, entre autres, Dizzie « le crapaud » Gillespie et Miles « le boxeur » Davis dont j’ai déjà eu l’occasion de faire état auparavant, John Coltrane entre, en 1957, dans une année charnière de sa courte, mais riche, carrière musicale. Il est alors en pleine révélation spirituelle et s’est converti à l’Islam après son récent mariage. Il vient aussi de faire un break avec ses autres compagnes qu’étaient l’héroïne et l’alcool. Ayant dans l’idée de réunir un quintet, Miles flaire le bon coup et profite de cette sobriété nouvelle pour recruter le bougre au poste de saxophoniste et forme ce qui sera l’un des plus brefs, mais aussi le plus important, quintet de l’histoire du jazz. Il faut savoir qu’à cette époque, Coltrane est loin d’être connu et reconnu. Il est surtout perçu comme n’étant que la vulgaire monture chargée de mettre en valeur le joyau qu’est Davis. Il est même sifflé par le public parisien de l’Olympia qui ne comprend pas bien ce qu’essaie de faire ce grand dadet soufflant dans son tuyau de cuivre (en même temps, allez faire comprendre quelque chose à un Parisien…). Mais Miles et les autres ne tardent pas à réaliser que le trompettiste n’est plus l’unique bijou de la bande. En effet, c’est à cette époque que Coltrane explose littéralement et va produire, entre autres, ses premiers enregistrements en tant que tête d’affiche, parmi lesquels Blue Train, rapidement classé parmi les classiques. C’est Trane qui a composé la majorité des titres qui vont tout de suite être considérés comme des standards. Comme l’indique le titre de l’album, on est dans un disque aux couleurs blues. Ces couleurs sont toutefois grandement nuancées et influencées par le génie de l’artiste qui avoue être un fervent admirateur de la période Bleue d’un certain Picasso, dessinateur espagnol amateur de polo rayés. Bref, on n’est pas franchement dans quelque chose de banal, vous l’aurez compris, et la musique va se charger de nous le confirmer.

lundi 16 mai 2011

Fleet Foxes - Helplessness Blues ou "Comment faire de la belle musique tout en faisant un bras d'honneur aux majors"



Dans le triste paysage musical actuel, il est rare et remarquable de voir un disque digne d’intérêt sortir ET être un succès commercial. Pire ! On n’avait plus vu un groupe capable de résister, voire d’humilier une major en refusant de vendre son âme contre de la poussière d’argent et des barreaux de cage depuis un bon moment. C’est pourtant ce qu’ont fait les Fleet Foxes en refusant un contrat avec Virgin et en allant même jusqu’à reconnaître qu’ils doivent sans doute une partie de leur succès (et donc de leur audience) au téléchargement illégal. Mais qui sont donc ces Fleet Foxes, encore inconnus il y a 3 ans, acclamés par la critique et le public aujourd’hui ? Il s’agit d’un groupe de six jeunes hommes en provenance de Seattle,  emmené par un chanteur charismatique et co-fondateur du groupe, Robin Pecknold, et par Skyler Skjelset, lui aussi co-fondateur, guitariste et mandoliniste.

Helplessness Blues est leur deuxième opus et près de 2 ans auront été nécessaires pour accoucher, dans la douleur, de ce petit bijou. Pour en arriver là, il aura en effet fallu plusieurs sessions d’enregistrement étalées sur plus d’un an, traversées et perturbées par des problèmes de santé ainsi que des problèmes personnels. Pourtant, Pecknold indique avoir voulu garder de la spontanéité dans l’enregistrement des chansons en procédant dans des conditions similaires aux performances live et en acceptant du même coup la présence de quelques erreurs. Il partait ainsi dans l’idée de conserver une certaine cohérence sonore. Voyons donc ce qu’il en est.

lundi 9 mai 2011

Pink Floyd - Wish You Were Here ou "Comment rendre un poisson paranoïaque"


Quand on s’attaque à la critique d’un album d’un groupe comme Pink Floyd, il faut être bien sûr d’avoir cerné tout l’enjeu et les subtilités que cela représente. On a à faire ici à l’un des groupes les plus mythiques de tous les temps mais paradoxalement l’un des plus méconnus… Il faut bien comprendre par exemple que sans eux, ni la musique ni la drogue ne seraient vraiment ce qu’ils sont aujourd’hui. La musique de Pink Floyd, leurs paroles et leur comportement ont influencé un nombre incalculable de gens à bien des égards. J’ai pour ma part découvert leur musique à travers cet album Wish you were here au cours d’une longue nuit d’été, sur l’une de ces longues routes du sud de la France, dans la voiture d’un ami cher, le genre d’ami capable de vous montrer des choses qui vont vous influencer pour le reste de votre vie. Il avait lui-même découvert le groupe au cours de son enfance par l’intermédiaire de son père, un fervent admirateur du groupe qui regardait un de leur concert assez régulièrement. Pink Floyd, c’est donc plus qu’un groupe. Il s’agit d’un héritage qui se transmet d’être cher à être cher. On ne montre pas impunément une musique si singulière à une personne qui ne risque pas d’être influencée et changée par elle comme vous avez pu l’être. Cette musique est une expérience hors du commun, il faut être prêt à l’accepter pour la comprendre.

Le contexte, ici, est étrange. C’est après avoir conquis le monde avec leur célébrissime Dark Side of the Moon que le quatuor anglais remet le couvert entre deux tournées dans les mythiques studios d’Abbey Road à Londres. Il faut comprendre qu’à cette époque, le succès du groupe est à son paroxysme et ses membres ont tout expérimenté au cours des dernières tournées de 1973 et 1974. Ils sont à la fois adulés par la critique et par le public (eh oui, les gens comprenaient encore quelque chose à l’époque…ou ils se droguaient plus). Ils sont riches, ils sont connus et reconnus, ils ont à peu près tout ce qu’ils désirent. A ce moment-là  par ailleurs, le groupe est composé d’individualités fortes et différentes et chacune semble s’enfermer un peu plus chaque jour dans  sa bulle médicamenteuse ou chimique, de différente forme ou puissance. Syd Barrett, le fondateur du groupe, avait d'ailleurs longtemps montré la voie en matière d’expérimentation musicale et autres, finit par se faire évincer ou par s’évincer tout seul parce qu’il commençait à ne plus pouvoir faire taire les voix de la schizophrénie qui résonnaient dans sa tête, provoquées par les marées d’acide dans lesquelles il se noyait. 

lundi 2 mai 2011

Radiohead – King of Limbs ou "Comment renflouer les caisses après quatre ans de disette"


Après quatre années de bons et loyaux services, le bon vieux quintet venu d’Oxford remet le couvert, il ressort ses vielles guitares et ses nouveaux ordinateurs pour nous livrer un album électrico-cérébral à nous donner un nouveau rhume des foins. Qu’on se le dise, si leur stratégie de lancement est à peu près semblable à celle de In Rainbows dont le lancement s’était effectué sur le net dans un premier temps puis, un mois plus tard, dans toutes les grandes surfaces locales, la similitude s’arrête là. En proposant le précédent opus à un prix variable selon l’humeur de l’acheteur, le groupe avait surpris beaucoup de monde en effet, cette démarche constituant alors un véritable pas en avant dans l’ère du téléchargement. Aujourd’hui cependant, c’est bel et bien à prix fixe que l’album est délivré, un prix qui pourra avoir l’impact désiré dans le portefeuille du gentil,  mais pauvre, petit consommateur (eh oui, c’est la crise, ne l’oublions pas…). On en revient donc à quelque chose de beaucoup plus terre à terre. Fini le bras d’honneur lancé aux majors et aux maisons de disques. On se range bien, là, comme il faut, et on fait comme on nous dit. Voilà qui en dit déjà long sur ce qui nous attend avec The King of Limbs et il n’y a pas franchement pas de quoi se réjouir…