lundi 13 juin 2011

Van Morrison - Moondance ou "Comment faire de la folk qui groove"



Van Morisson est un de ces artistes assez peu connu en France mais mondialement reconnu. Il ne fait pas réellement partie de la ribambelle d’artistes troupiers venus des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne rivale qui ont trouvé leur place dans la culture et les oreilles francophones et pour cause : il s’inscrit dans la lignée des troubadours irlandais (du Nord en l’occurrence) et de l’écriture traditionnelle et folk de son pays. Pour autant, il serait réducteur de le limiter  à cette seule caractéristique. Van Morrison est en effet bien plus. Sa carrière solo débute à la fin des années 60, aux Etats-Unis où il a migré et va se poursuivre jusqu’à aujourd’hui, faisant de lui l’un des plus grand songwriters de tous les temps.

C’est en 1970, peu après son mémorable Astral Weeks que Van Morrison remet le couvert pour son 3ème album solo. Il est alors en pleine euphorie autant amoureuse que professionnelle. Il a signé depuis peu un contrat avec un label majeur (Warner Bros. Records) et vient de connaitre le succès avec l’album précédemment cité. Le bougre est donc en pleine baraka et décide même de se lancer dans la production de son disque. C’est accompagné d’un groupe de musiciens studio talentueux qu’il se lance dans les sessions d’enregistrement de ce Moondance qui se déroulent en toute décontraction. Il va en résulter un album plein de charme, de joie de vivre et musicalement impressionnant. 






La ballade "And It Stoned Me" démarre cet album de manière étrange. On a l’impression d’avoir raté le début : aucune introduction, ni dans la chanson ni dans l’album. La voix de Morrison, autoritaire, nous guide et finalement, c’est pas plus mal. On est dans un bon son folk avec ce piano à la rythmique, mais rapidement les cuivres viennent donner une couleur totalement différente qui va teinter la totalité de l’album. On a comme ça pèle mêle des sonorités soul, de gospel voire même funky qui se mélangent étrangement dans ce qui est et qui restera le son indescriptible du petit rouquin teigneux. On a même droit à un petit solo de guitare acoustique par Van himself qui nous prouve que le bonhomme n’est pas là pour rigoler. Parce qu’on est en effet immédiatement frappé par la voix extraordinaire du natif de Belfast, mais on sait peu qu’il est aussi un très bon guitariste et un musicien hors norme. Ce titre ne nous démontre toutefois pas toute l’étendue de la voix en question. Pour cela, il faut attendre jusqu’au titre de l’album qui vient ensuite. "Moondance" est un pur titre jazzy. Là encore c’est quelque chose d’assez peu commun dans un album pop folk. Morrison démontre toute sa maitrise en nous faisant swinguer comme un vrai crooner. Les arrangements auxquels viennent s’ajouter la flute sont tout simplement magiques. On est dans un son entièrement acoustique et il est pourtant presque impossible de s’en rendre compte tant tout s’enchaîne à merveille. On est entraîné tout le long par la walkin’ basse et cette batterie jazz douce et envoûtante. Les solos de piano et de sax s’enchaînent à la perfection et on repart avec le panache de Morrison. Cet homme est un vrai gourou. Il est petit, il est roux mais il swingue comme un dieu et chante comme un noir !



Sur ce "Moondance", l’album est clairement parti mais Van Morrison nous surprend ensuite avec une nouvelle ballade. Ce "Crazy Love" est à ce jour une des plus belles chansons que je connaisse. Là encore, la structure est assez simple mais les arrangements, le son et la maîtrise guitaristique et vocale de Morrison sont incroyables. Il est difficile de lui résister. L’irlandais nous enlace fermement et nous murmure son amour et pour être honnête, on n’a pas vraiment envie qu’il arrête. Mais on repart de plus belle tout de suite après ça ! On enchaîne avec Caravan qui sans être proprement violent, contraste assez avec la douceur du titre précédent. On est dans un morceau joyeux et entrainant débouchant sur un refrain rafraîchissant. Morrison se lâche, on monte en puissance au fur et à mesure tout en restant propre et nuancé. C’est encore une fois très beau. 




Le calme fait son retour sur le magnifique "Into The Mystic". On serait sur morceau folk country sans la présence de cette basse groovy et encore une fois la voix de Morrison dont on ne se lasse pas. Là encore le mélange des genres est surprenant et grandiose. La voix mène avec brio la musique et les explosions rapidement nuancées. Les arrangements ne cessent de s’étoffer à mesure qu’on avance dans le morceau. Les cordes font leur entrée, puis les sax sans pour autant charger le morceau. Là encore, que dire sinon que c’est magnifique.

"Come Running" repart sur un rythme saccadé un presque comique. Un peu surprenant pour être honnête… Il est difficile de comprendre la chanson avant l’entrée des sax qui donnent un peu plus de cohérence mais dans l’ensemble, ce morceau est assez étrange et groove beaucoup moins. On enchaîne à nouveau avec une rythmique country folk rock à la Dylan des années Blonde On Blonde. "These Dreams of You" est une jolie ballade que l’orgue vient améliorer. Cependant la basse n’est là encore plus du tout groovy et on a perdu un peu l’esprit pénétrant du début de l’album. Ce titre reste cependant très agréable, la voix et les arrangements se chargent une fois de plus de rendre ce titre très bon, quoi qu’un peu kitsch au départ.

On enchaîne sur une nouvelle ballade avec "Brand New Day". Là encore, le piano sonne un peu kitsch au départ et la guitare électrique très country. Les voix gospel viennent donner un peu de vie à cette ballade et rendent l’ensemble assez joli. C’est toujours l’intro des morceaux qui est un peu choquante dans cet album. Mais une fois que les chansons sont parties, il est difficile de ne pas écouter et rester scotché. 




On repart très très fort avec le clavecin de "Everyone" et ses accords descendants et sautillants. Puis la batterie entre de manière fracassante et martèle la rythmique accompagnée de la voix merveilleuse et rageuse de Morrison. L’ensemble est rejoint par la flûte pour un mélange décapant et hors du commun sur un album de ce genre. C’est frais, c’est entraînant et la basse groove à nouveau. Ce titre est complètement hors du commun et pourtant étrangement familier. C’est un mélange des genres et des instruments très inhabituel qui nous est proposé par le troubadour teigneux et ça fonctionne à merveille une fois de plus.

L’album se termine sur "Glad Tidings" et son rythme répétitif. Les sax font une nouvelle fois leur entrée pour laisser place à un refrain auquel il est difficile de ne pas résister tant il est entraînant et doux. Là encore, le morceau s’étoffe petit à petit des ses plus beaux apparats et nous offre un effeuillage inversé qui va nous en mettre plein la vue. On monte ainsi lentement mais sûrement en intensité sans jamais en avoir trop. On termine ainsi cet album dément par du grand Van Morrison.

Ce Moondance a la même caractéristique que tous les grands disques de notre temps : il est complètement inattendu. Il se termine de la même manière qu’il a commencé, il a traversé notre ciel l’espace d’un instant et a figé notre attention le temps de son écoute. Ce disque est fourbe… En effet, il sonne comme un disque agréable et léger et s’approche ainsi sournoisement de nous, nous charme assez facilement avec ses arrangements légers et acoustiques. Mais il n’en pense pas moins et nous assène en traître toutes l’étendue du talent de Morrison à coup de sax soul et de paroles pleines de signification. Il est de ces disques quasi palpables mais qu’il est en fait impossible de saisir vraiment tant ils sont vifs et au dessus des autres.

J

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