lundi 2 mai 2011

Radiohead – King of Limbs ou "Comment renflouer les caisses après quatre ans de disette"


Après quatre années de bons et loyaux services, le bon vieux quintet venu d’Oxford remet le couvert, il ressort ses vielles guitares et ses nouveaux ordinateurs pour nous livrer un album électrico-cérébral à nous donner un nouveau rhume des foins. Qu’on se le dise, si leur stratégie de lancement est à peu près semblable à celle de In Rainbows dont le lancement s’était effectué sur le net dans un premier temps puis, un mois plus tard, dans toutes les grandes surfaces locales, la similitude s’arrête là. En proposant le précédent opus à un prix variable selon l’humeur de l’acheteur, le groupe avait surpris beaucoup de monde en effet, cette démarche constituant alors un véritable pas en avant dans l’ère du téléchargement. Aujourd’hui cependant, c’est bel et bien à prix fixe que l’album est délivré, un prix qui pourra avoir l’impact désiré dans le portefeuille du gentil,  mais pauvre, petit consommateur (eh oui, c’est la crise, ne l’oublions pas…). On en revient donc à quelque chose de beaucoup plus terre à terre. Fini le bras d’honneur lancé aux majors et aux maisons de disques. On se range bien, là, comme il faut, et on fait comme on nous dit. Voilà qui en dit déjà long sur ce qui nous attend avec The King of Limbs et il n’y a pas franchement pas de quoi se réjouir…


"Bloom" entame l’album et donne le ton d’entrée. On part sur une musique électro dissonante poussée à l’extrême. Le but est clairement de créer une atmosphère de malaise. On ne voit pas bien où l’on va jusqu’à l’entrée de la basse et de la voix. Rien de bien nouveau ici. Une ligne de basse régulière va soutenir un morceau rempli par une rythmique robotique chargée de sons de toutes sortes et par la voix de Yorke dont la reverb se trouve accentuée. Le mix est plutôt satisfaisant, même s’il ne représente rien d’inédit selon moi, étant donné qu’on avait déjà eu droit à ce genre de sons et d’effets quatre ans auparavant avec In Rainbows. Pire, je trouve même tout cela moins affiné, moins bien travaillé. Alors j’ai entendu de ci, de là, quelques personnes prétendument averties dire que ce morceau sonnait comme du Free Jazz, voire même de la Fusion ! Eh bien mes amis, laissez-moi vous dire que ce qu’on écoute là ressemble à tout, sauf à du Jazz. Je le dis, je le répète, tout ce qui sonne « dissonant » n’est pas à ranger immédiatement dans la catégorie Jazz. C’est un peu plus compliqué que ça de faire du Jazz… Toute boisson faite à base de raisin n’est pas automatiquement du vin, de la même façon toute personne détenant la direction de l’intégralité des médias d’un pays, transgressant les lois, et se plaçant au pouvoir sans le consentement de ses compatriotes, n’est pas immédiatement à considérer comme un dictateur…Regardez Berlusconi… Bref, je m’égare (et pas seulement d’Austerlitz comme disait l’autre) et il est temps de revenir à nos moutons, anglais en l’occurrence.


On enchaîne sur quelque chose de moins pseudo-expérimental avec "Morning Mr Magpie". Ici, les guitares et la rythmique s’assemblent en un tout électro-disco frénétique, malsain et plutôt efficace. On est toujours dans la même optique de rythmique et d’éléments mélodiques répétitifs, voire robotiques, assez effrayants. Le tout serait très froid sans ce son spécifique aux guitares et basses qui rendent finalement le morceau intéressant. La conclusion, faite par des chants d’oiseaux, est un clin d’œil du groupe visant à souligner que leur musique reste malgré tout profondément organique, viscérale même,  bien qu’étant grandement électronique et artificielle. La plainte quasi mystique qui suit, "Little by Little", manque relativement d’originalité pour moi. On est encore dans un mini chaos froidement organisé et encadré par les machines, on y retrouve ces mêmes lignes mélodiques et rythmiques répétitives faites à la basse, les mêmes effets de guitare. "Feral" nous entraîne sur les mêmes sentiers que "Bloom" et commence d’entrée par une rythmique sans nuance, régulière, au son parfait, tandis que Yorke et les autres essaient de brouiller les pistes et s’amusent avec leurs petits ordinateurs à nous balancer des sons à nous donner un tournis cérébro-vasculaire.  Puis une fois encore, la basse fait son entrée. Répétitive et hypnotique au possible, c’est elle qui donne un semblant de structure au tout. Je passe surement à côté de l’intérêt du morceau, je suis partagé entre le sentiment qu’on se fout clairement de ma gueule et le sentiment que ce morceau n’est pas à analyser ou à décrypter mais juste à ressentir, faut-il se laisser guider sans se poser trop de questions ? Dans cette optique, le morceau devient brillamment orchestré et le travail sur le son est impressionnant. En dehors ce ça, son intérêt reste moindre.  


"Lotus Flower" repart sur des bases un peu plus saines mais là encore, c’est le même type de structure que l’on va retrouver. On ne peut pas vraiment dire que les gars se foulent trop pour être honnêtes. Peut-être nous préparent-ils un autre album à sortir dans la foulée, il n’empêche que fournir un certain travail pour offrir aux acheteurs quelque chose de nouveau, aurait été la moindre des choses. Le vidéo clip qui a accompagné la sortie de l’album est, lui aussi, peu inventif. On y voit un Tom Yorke seul (à croire qu’il veut réduire ses compères au rang de simples musiciens), s’agiter tel un épileptique sous acide déguisé en une espèce de chef d’orchestre tout droit sorti d’Orange Mécanique. Ici les guitares ont clairement laissé place aux claviers. Le morceau est assez dénudé avec, faut-il le rappeler, une rythmique calée qui change peu, une basse pour soutenir le tout et la voix de Yorke.  S’en suit une jolie ballade piano-voix aux sons étranges mais, encore une fois, rien de transcendant ou de totalement neuf. J’ai la vague impression que le groupe s’est réveillé d’un long rêve, que Yorke et sa bande ont soudain réalisé que ce qu’ils avaient accompli jusqu’à présent était grand et qu’ils essaient désormais de faire volontairement ce qu’ils faisaient naturellement auparavant. Du coup au lieu d’avancer on recule, ce qui, ma foi, est fort ennuyeux. Je ne m’étendrai donc pas sur "Codex", jolie complainte bizarroïde, ni sur la plaisante acoustique "Don’t Give Up The Ghost" aux boucles de voix saturées et aux changements d’écho intéressants mais au son peu inspiré (rappelant étrangement Devendra Banhart ou autres Sufjan Stevens), ni enfin sur la conclusion qu’est "Separator".

Finissons en disant que, si l’album en lui-même n’est pas foncièrement mauvais, il ne représente rien de follement nouveau et il est bien loin de nous faire décoller comme on serait en droit de s’y attendre. On remarquera tout même l’attention portée à l’accumulation de sons en tout genre qui fonctionne efficacement sans que le tout n’en soit trop alourdi. L’expérience du groupe est bien là mais leur créativité, pas vraiment… 

3 commentaires:

  1. Je note au passage que RollingStone a été plutôt favorable au dernier opus de Radiohead puisqu'il lui on mis 4 étoiles sur 5... soit la même note que le dernier Britney Spears... Y a pas à dire, le journalisme a vraiment pris une autre dimension!

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  2. Une critique ma foi très sévère envers cet album.
    Mais une dissertation ma foi plutôt efficace car tu m'as fortement donné envie d'écouter cet album.

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  3. Les élucubrations sur Berlusconi, le clip ou encore RollingStone sont tordantes.

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