lundi 6 juin 2011

Lanny May – Coloured Midi From Home / IRM Rec. ou « comment faire de la Techno émotionnelle ? »



Durant des années, Lanny May fût la moitié du duo de producteurs Allemands Davis & May. Pour faire simple, ces 2 gars ont supporté, amplifié, sublimé le mouvement Deep Techno qui commence à prendre l'ascendant en France et en Allemagne sur une Minimal parfois trop structurée.
Ils se sont séparés fin 2009, si je me souviens bien, après leur dernière production: SIX (un mini-album sublime de 6 tracks). C'est quelque chose qui m'a toujours attristé car ces mecs formaient le duo de production le plus avant-gardiste et le plus génial de la génération actuelle. Ils ne se sont pas pour autant arrêtés de produire, loin de là. Et heureusement.
Lanny a continué à sortir des tracks sur leur label initial, Maripoza et sur le label hollandais Cinematique Records dont j'aurai l'occasion de reparler. Tandis que Ryan Davis a multiplié les productions avec notamment des bombes hallucinogènes sur BackHome / Klangwelt / Absolutive Records / et IRM Rec. Nos amis d'IRM justement, qui réussissent l'exploit de rassembler nos deux ex compères sur un même label, alors que leur brouille semble plus profonde qu’une simple querelle artistique.
La golden team de Joff Logartz (Dawad, Traumer, Edward Henton, & friends), remuent régulièrement ses fesses entre Paris et Marseille, pour se produire du côté des nos amis de l'e-Wine Bar dans le sud, ou dans la dernière et wonderful Soirée Play d'Electric "King" Rescue. Elle nous livre régulièrement des EP furieux comme Narotron, Conversation With A Smoking Fish ou encore Team Session EP.
Après un premier mini album FABULEUX (Art Love Iam sur Maripoza Rec.) je peux vous dire que j'attendais avec impatience de me délecter du nouveau chef d'œuvre de Lanny. Et quand j'ai appris que ce serait un EP composé de cinq tracks, et signé par IRM, je dois dire que je n'étais plus très loin de l'orgasme. Une production de notre ami berlinois, c'est assez rare, donc ça se déguste. En effet, notre bonhomme, contrairement à son alter égo Ryan, se fait régulièrement languir. Lanny est quelqu'un qui prend sont temps, et ce tempérament se retrouve régulièrement dans ses morceaux.
Mon deuxième sentiment était qu’après Art Love Iam, qui était si parfait à mon sens, il me semblait difficile pour Lanny d’enchaîner une folie d’un même calibre.
Voici donc les quelques émotions que m'ont fait ressentir cet album. J'en ai traversé beaucoup.

Coloured Midi, dont le titre est génial, nous donne l'impression d'avoir en face de soi deux personnages essayant de communiquer, à travers deux synthés luttant tour à tour pour prendre l’ascendant.
Le premier est colérique, le deuxième grave et lancinant. Il arrive dès la deuxième minute. Le son est brumeux et semble enveloppé. Les médiums remontent pour faire sortir ce lead des nuages dans lesquels il se trouvait. Ce petit jeu va durer jusqu'à la fin du morceau.
Cette track est une confrontation mélodique où l'on attend lors de chaque montée une explosion extraordinaire dont le point d'orgue est la rencontre fougueuse de nos deux mélodies.
Elles se caressent, se touchent parfois, mais jamais ne se rencontrent pour fusionner. Oserais-je dire que nous avons affaire à de longs préliminaires qui resteront sans suite? Un certain désir d'aller plus loin se fait sentir.
Lanny s'est gardé d'exacerber ses kicks pour conserver cette impression d’équilibre que nous ressentons tout au long du morceau. Un choix qui ne m'étonne pas tant l'homme semble vouloir marquer ses musiques d'une profonde mélancolie. Sentiment qui sera la marque de fabrique de cet EP bien fourni.
Lanny May est donc un artiste mélancolique. A travers ses musiques, il nous raconte des histoires émouvantes. Un chef d'orchestre sensoriel. Heliopause en est l’exemple.
La structure de cette deuxième track est lourde, un brun dupstep-ienne.
On retrouve une nappe très basse en fréquence qui tonne la mélodie principale. Tandis que dans les aigus, un son de synthé nappé mène l'évolution du morceau. Cette musique nous fait penser à un équilibriste tanguant sur une corde synthétique extrêmement fine. Toutes les instrus se rassemblent progressivement pour terminer en communion. Nous atteignons une forme de plénitude et d'harmonie. Une vague lancinante déverse son flot dans nos oreilles et sur nos corps tout entiers. Notre personnage musical court sur ce fil long de sept minutes quarante-sept. Il disparait, et tout disparait, lentement. Le temps et l'espace s'effacent. Nous ne sommes qu’émotion.
Une ligne d'infrabasse apparait pendant 20 secondes, juste avant la septième minute : nous sommes téléportés dans un autre monde pour finir ce voyage. Puis, progressivement, c'est la fin. Fin d'un périple sublime. Un point se referme, clôturant le spectacle, tel la main gantée d’un magicien. Mais où étions-nous?
Sonic Leaf démarre sur des bases complexes. Chaque beat est exotique, artistique, atypique.
Un son de xylophone surgit. Il annonce qu'il va nous raconter une histoire aux couleurs d’Afrique.
Passé l'introduction, l’évocation commence avec des basses brûlantes. Elles nous percutent de plein fouet, s'effacent et reviennent. Le deuxième mouvement annonce le thème du morceau. Un ovni nous prend en vol: direction le Big Bang. Nous sommes secoués et frappés de frénésie, en transe. Le Xylo se calme, sature puis s'arrête brusquement. Les nappes de synthé reprennent l'ascendant. L'action s'accélère. Le xylophone que l'on a vu naître dans l'intro s'est transformé en laser à la trajectoire asymétrique. Il se fait de plus en plus distant, plus lointain.
Le thème de la chanson reprend son souffle au milieu du morceau. La structure repérée dans les deux premiers tiers du morceau reprend pour finir une nouvelle fois sur un kick rythmé de nappes bien lourdes. Un morceau bien nerveux qu'il me tarde d'apprécier en Live.
Moewenflug semble plus marquée Techno. Du moins c'est l'impression que l'intro du morceau laisse penser. Car la mélancolie de Lanny reprend rapidement vie dans cette quatrième track.
Ce titre m’a rappelé certaines productions de Gui Boratto que j'admire également. Le calme règne sur toute la chanson, Lanny cherche ici à nous amener un peu de sérénité à travers cette musique. Et c'est réussi. Il amène des sortes de samples de chœurs rétro que l'on retrouverait sur des synthés d'enfants. Il introduit également quelques notes d’un piano lointain. Ce morceau semble être de par son titre et sa musique, une évocation de ce que l'on peut ressentir au bord d'un océan, sur un plage où règne un vent assez doux pour nous apaiser, mais assez fort pour nous envelopper; où l'on entend le cris des mouettes au loin, et où l'on ne pense plus qu'à la nature qui nous entoure. Un bon voyage musicale, deep et lent.

Home = You, cinquième et dernière Track, est assez spéciale. Lanny May reste fidèle à la philosophie de cet album et finit son oeuvre sur une track également calme et douce. Les instrus sont bien travaillées et forme une belle harmonie. Les nappes sont prenantes, et les Reverbs parfaitement maîtrisés. Le morceau reste peut-être trop calme à mon goût. May donne l’impression de nous dire adieu. C’est le titre que j’ai le moins aimé. Bien que le morceau manque un peu d’énergie, il reste malgré tout so fucking beautiful.
Alors que peut-on dire finalement ressentir après l’écoute de ce premier coup d'essai chez notre label français chéri?
Lanny nous présente là un disque beau et racé.
On sent qu’il a voulu donner une cohérence à l’ensemble. Cette cohérence se ressent avec un album commençant de manière profonde et énergique, l’artiste augmentant la pression sur les trois tracks suivantes, puis concluant sur une musique sereine, calme et tempérée. Deux titres m’ont mis par terre : Heliopause, et Sonic Leaf.
Au delà de ça, la mélancolie tisse un fil d’Ariane tout au long de notre écoute, nous entourant tendrement.
Lanny May reste donc plus que jamais fidèle à son style: mélancolique et teinté de couleurs psychédéliques. Il saura se faire apprécier des technophiles adeptes d'une musique plus calme et expérimentale, mais peut-être moins des accros d'une techno plus Dancefloor. En effet malgré la présence d'un titre assez nerveux avec « Sonic Leaf », il manque peut-être à cet album un chef d'oeuvre glacial de puissance, à l'instar des monuments « Then 2069 », ou « Drowned Bell », deux tracks tirées de mini album précédent Art Love Iam. Mais cela reste un détail tant ce disque est une réussite en terme d’émotions et de profondeur.
V.

B-Side:


2 commentaires:

  1. Merci V pour ce bel article et cette brillante découverte. Je m'attendais à quelque chose de froid et de proprement électronique et vous m'avez ouvert de nouveaux horizons. Il existe réellement des sentiments dans la musique électro et vous nous l'avez prouvé à travers ce magnifique EP de Lanny May. Grâce à vous, le terme de "musique moderne" prend tout son sens.

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  2. excellent article Monsieur, fine analyse! Lanny May est une valeur sûre dans le monde de l'electronica à tendance dansante...le rêve ultime serait un bel ep Davis&May sur IRM...

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